Il s’agit, selon l’office statistique européen Eurostat (2023), du nombre de ménages propriétaires de leur logement en France, donc près des 2/3 de la population française. Ce chiffre diffère de la donnée INSEE (2023), qui indique seulement 57% de ménages propriétaires de leur résidence principale, car le taux Eurostat inclut, quant à lui, les 3,7 millions de résidences secondaires et logements occasionnels existant en France (9,8% du parc). Les deux chiffres sont donc exacts ; ils mesurent simplement des réalités différentes.
On constate, à cet égard, que la France se situe plutôt dans la moyenne européenne. En revanche – et c’est une information tout à fait contre-intuitive – plus un pays est riche, moins le taux de propriétaires est élevé, en général. Ainsi, le taux de propriétaires n’est que de 42% en Suisse ou 45% en Allemagne ; à l’inverse, il est de plus de 90% en Hongrie, en Croatie ou en Slovaquie, et même de 95% en Roumanie (voir figure).
L’explication tient surtout au coût d’accès à la propriété, donc aux niveaux de vie. La valeur des biens immobiliers est comparativement très élevée dans les pays les plus riches, tout en faisant aussi l’objet d’un marché d’investisseurs et d’une financiarisation poussée, lorsque les logements ont des prix plus modérés et représentent avant tout une valeur patrimoniale privée dans les pays aux niveaux de vie plus modestes.
Cependant d’autres facteurs jouent et altèrent la règle : ainsi, la forte propriété privée, dans l’ancien « Bloc de l’Est », est aussi issue de la privatisation des biens d’Etat en 1990, à la chute du Mur, cédés alors à leurs occupants. L’offre locative peut aussi être soutenue par un effort public en faveur du logement social (cf. France), lorsque d’autres pays, tels la Norvège, soutiennent au contraire très activement l’accès à la propriété par des déductions fiscales sur les intérêts d’emprunts, l’absence d’impôt sur les plus-values immobilières et la réduction de la part des actifs immobiliers dans l’imposition sur la fortune (Note du Trésor, 2022).
Enfin, dans une majorité d’Etats méditerranéens, la propriété privée est aussi un statut social et un gage de sécurité pour la retraite, dans des systèmes sociaux où l’interventionnisme de l’Etat est réduit. C’est la notion d’asset-based welfare, ou « protection sociale fondée sur la détention d’actifs » immobiliers (Reimat, 2024) : un thème d’avenir pour des populations européennes vieillissantes, et qui est au coeur du travail de notre doctorante Léna MONASSE depuis ce début octobre.