C’est la part prise par le foncier bâti dans le patrimoine immobilier total des ménages en France en 2021 (foncier+construction – source INSEE, Comptes de patrimoine, 2024) – donc plus que l’ensemble des biens construits eux-mêmes. Cette valeur importante du foncier peut surprendre, et confirme la valeur de rente des terrains à bâtir dans un contexte de raréfaction de la ressource foncière. Cependant, il n’en a pas toujours été ainsi. En 1978, le foncier ne représentait que 22% du patrimoine immobilier des ménages, et c’était encore le cas au tournant du millénaire (28% en 2000). L’envolée spéculative sur le foncier est clairement documentée et s’observe entre 2000 et 2005. Sur cette courte période, les valeurs totales des constructions se sont appréciées de 34% (donc x1,34), mais la valeur totale du foncier bâti a progressé de… 265% (donc x3,65). Ainsi, « le foncier a absorbé l’essentiel de la croissance des prix immobiliers » (Yann Gérard, Fonciers en débat, 2024).
Graphique : Valeur de l’immobilier dans le patrimoine des ménages (1978-2022). Source : Yann GERARD, 2024 / données INSEE – Publié dans Fonciers en débat.
On pourrait expliquer ce phénomène, à première vue, par le retournement réglementaire qui, dès la loi SRU de 2000, a progressivement imposé une réduction des surfaces constructibles afin de lutter contre l’artificialisation des sols et de préserver l’environnement. Ce paradigme s’est en effet déployé dans les SCoT, dans les loi DTR de 2005 puis ALUR (2014) avant d’aboutir à l’objectif ZAN de la loi Climat & Résilience de 2021 (Depraz & Chatelard, 2023). La réduction bien réelle des surfaces à bâtir provoquerait ainsi leur renchérissement mécanique. On pourrait aussi aisément critiquer les propriétaires fonciers, misant sur leur rente de situation pour faire monter les prix. Ce serait cependant simplifier un mécanisme plus complexe dans lequel foncier et construction entretiennent une interdépendance forte. Ainsi, l’envol des prix des biens immobiliers s’explique aussi par la dérégulation et la financiarisation du marché immobilier depuis la fin des années 1990 (Boulay, 2019) avec l’entrée d’investisseurs internationaux sur ce nouveau marché spéculatif, désormais plus liquide. Cette période a été également marquée par un encouragement fiscal en faveur de l’investissement locatif (depuis les lois Quilès-Méhaignerie des années 1990 jusqu’au Pinel de 2015) dont les effets d’aubaine ont pu aussi créer une concurrence aiguë entre ceux des promoteurs qui ont construit leur volume d’activité sur ces produits, avec une surenchère sur les opportunités foncières les plus attractives. L’essentiel des aides à l’investissement locatif ont ainsi été absorbées par la hausse des coûts du foncier, annulant de facto leur effet systémique de défense d’un logement abordable.